L'Ane vêtu d'une Peau de Lion

Version originale de Jean de La Fontaine, LIVRE CINQUIEME, FABLE XXI

L'ANE VÊTU DE LA PEAU DU LION

De la peau du Lion l'Ane s'étant vêtu
Était craint partout à la ronde,
Et bien qu'animal sans vertu,
Il faisait trembler tout le monde.
Un petit bout d'oreille échappé par malheur
Découvrit la fourbe et l'erreur.
Martin fit alors son office.
Ceux qui ne savaient pas la ruse et la malice
S'étonnaient de voir que Martin
Chassât les Lions au moulin.

Force gens font du bruit en France,
Par qui cet Apologue est rendu familier.
Un équipage cavalier
Fait les trois quarts de leur vaillance.

Version maraîchine et traduction

Parlange Français
U

n Bourriquet pouroux comme o y en a pas un,

Dans un' péa de Lion s'était-y pouet hab'llé !
Avour qu' l'avait pris tchié ?... ah dame ! y en sais ja rin ;
Tchia tenue, toujours bé, l'allit la trimballer.
Les gens qui le virant, beudlirant à la force,
Le se disiant : mon Dieu, d'où tchiést-o arrivé ?
Cachés teurtos chez eux, l'étiant pouet à la noce ;
Le jour comme la net' leurs portes étiant trolliées.
Sur le bord d'un chemin, djilé dans un tonnéa,
Un valet avisit, par le trou de la bonde,
L'oreille dau Bourriquet qui passait sous la péa.
Le s'en allit bé vite o dire à tot le monde.
Les triqu's se mettirant bétôt à vesounner,
L'épourail, y vous dis, baissait un p'tit le nez.
Les gens qu' étiant d' passag' disiant : qu'est-o tchiau Lion
Qui s' laisse manœuvrer, d' mêm', avec daus bâtons ?

Faire daus embarras, s' fout' dau vent au darrère,
Tchiest daus hard's qui rapportant guère.

Un Ane peureux comme il n'y en a pas,

D'une peau de Lion ne s'était-il pas habillé !
Où avait-il pris ça ?... ah certes ! je n'en sais guère rien ;
Cette tenue, toujours bien, il alla la promener.
Les gens qui le virent hurlèrent,
Ils se disaient : mon Dieu, d'où est-ce arrivé ?
Cachés tous chez eux, ils n'étaient pas à la noce ;
Le jour comme la nuit leurs portes étaient verrouillées.
Sur le bord d'un chemin, glissé dans un tonneau,
Un valet aperçut, par le trou de la bonde,
L'oreille de l'Ane qui dépassait sous la peau.
Il s'en alla bien vite le dire à tout le monde.
Les bâtons se mirent bientôt à siffler,
L'épouvantail, je vous dis, baissait un peu le nez.
Les gens qui étaient de passage disaient : qu'est-ce que ce Lion
Qui se laisse manœuvrer, comme ça, avec des bâtons ?

Chercher à épater, se mettre du vent au derrière,
Ce sont des choses qui ne rapportent guère.

Notes

Marcel Douillard a légèrement modifié le titre original de La Fontaine.

Vertu : courage

Martin porte un bâton...

Apologue : court récit allégorique ou fable qui illustre un point de morale.

« Equipage : tout ce qui est nécessaire pour s'entretenir honorablement ou voyager : valets, chevaux, carrosses, habits, armes. » (Furetière)

« Cavalier : aisé, galant, honnête, noble. » (Richelet)

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