L'auteur : Marcel Douillard

Un chantre du patois maraîchin

Quand il emprunta généreusement à Esope pour composer ses fables, Jean de La Fontaine était sans doute loin de se douter que des légions d'autres littérateurs allaient à leur tour contracter une dette conséquente envers son œuvre. En effet, les traductions plus ou moins libres de ses fables abondent : en différentes langues régionales tout d'abord, en divers patois plus ou moins répandus ensuite, et même en argot (extrêmement savoureuses...), sans parler des langues étrangères.

Rien qu'en langue poitevine, il est possible de recenser plusieurs auteurs : le plus célèbre est Eugène Charrier, de Saint Michel Mont Mercure ; citons ensuite Edouard Lacuve du Pays Mellois (Melle, département des Deux-Sèvres) ; le père Arsène Garnier d'Aizenay ; et celui qui nous intéresse ici : Marcel Douillard de Challans. Il en existe encore d'autres, mais dont je ne sais presque rien.

Marcel Douillard (1898-1987) exerçait la fonction de secrétaire de mairie à Challans quand il écrivit ces fables. Pendant la seconde guerre mondiale, il eut l'idée de jouer au bénéfice des prisonniers, générosité similaire à celle d'Henri Pigeanne (cf. chapitre Dr Pigeanne). Il a appartenu à un groupe folklorique créé par les frères Martel. Il fut également membre du conseil d'administration de la SEFCO, la Société d'Etudes Folkloriques du Centre-Ouest. Marcel Douillard semble être resté célibataire et n'avoir pas eu de descendance.

Ceux qui souhaiteraient en connaître un peu plus sur Marcel Douillard peuvent se rapporter au journal Bernancio ! qui lui a consacré son numéro 104.

Challans

Challans - Carte d'état-major type 1889, révisée en 1948

J'ai retrouvé un exemplaire de son recueil de fables Feu de Brande dans les archives de mon grand-père après sa mort. Je ne sais pas comment il l'avait obtenu ; il comporte une dédicace de la part de Marcel Douillard, mais sa formulation un peu passe-partout (« A Monsieur Abraham avec toute ma sympathie ») m'incite à penser qu'ils ne se connaissaient pas beaucoup, voire pas du tout.

Dédicace de l'auteur

Dédicace de l'auteur

Comme pour les autres témoignages présentés dans ce site, j'ai conservé l'orthographe originale, en corrigeant toutefois la ponctuation, les majuscules et les accents en quelques endroits. Vous constaterez aisément que Marcel Douillard ne s'est pas contenté de traduire littéralement les dix fables qu'il avait choisies : il les a partiellement récrites ; et c'est pourquoi, bien que je fournisse la version originale de La Fontaine, j'ai néanmoins considéré comme indispensable de donner aussi la traduction en français, avec bien entendu infiniment moins de grâce que le génial La Fontaine et avec hélas beaucoup moins de verve que l'inspiré Marcel Douillard...

Couverture de Feu de Brande

Couverture de Feu de Brande

L'introduction à la manière de Madame de Sévigné ainsi que le lexique et le guide de prononciation fournis à la fin du recueil de fables figurent dans l'édition originale. Je ne sais pas s'ils émanent de Marcel Douillard lui-même mais je les ai fidèlement reproduits. Par ailleurs, les dessins et les lettrines illustrant ce chapitre proviennent de la main de Marcel Douillard.

Illustrées par l'auteur lui-même, les fables - au nombre de dix - sont agréablement écrites en patois maraîchin, c'est-à-dire en patois du marais du nord de la Vendée, le Marais Vendéen, ou Marais Breton (à ne pas confondre avec le Marais Poitevin, au sud de la Vendée). Marcel Douillard n'a pas traduit dans son recueil les titres des fables qui demeurent donc en français (Ce n'est pas le cas sur son disque).

Deux sources sonores

Marcel Douillard a enregistré lui-même le témoignage sonore de plusieurs de ses fables. Il en existe même deux sources sonores différentes.

Le disque 33 tours du studio VDS de Raymond Carmin

La première source sonore disponible est suffisamment particulière pour mériter que l'on s'arrête quelque peu sur sa genèse. Elle provient d'un disque vinyle produit par un très original studio ambulant conçu et réalisé par un ancien chef-opérateur radio, initialement ébéniste, nommé Raymond Carmin, originaire de Burie, en Charente-Maritime. A l'origine, ce studio avait été prévu pour permettre d'offrir la récompense d'un enregistrement sur disque à des lauréats d'un tournoi de chanteurs amateurs de Saintonge.
Il y avait tout dans ce camion-studio itinérant : micro, magnétophones, graveur, amplificateurs, circuits d'enregistrement et de retransmission. Le studio était même isolé par des feuilles de fibre synthétique et séparé de la partie arrière du camion par une cloison vitrée.

Camion-studio de Raymond Carmin - Vue extérieure Camion-studio de Raymond Carmin - Vue intérieure

Vues extérieure et intérieure du camion-studio de Raymond Carmin - Journal La France - 19 août 1968

Puis Raymond Carmin s'en servit pour dénicher des talents méconnus dans des villages sans les contraindre à se déplacer jusqu'à un studio en ville pour y enregistrer un disque, réalisant ainsi un très intéressant travail de collecte. Il créa une société d'édition pour donner un cadre à cette activité : la société VDS, pour « Voix De Saintonge ».

Challans

En-tête de la société VDS (Voix De Saintonge) - Journal L'Inter Forain - 1ère quinzaine d'avril 2008

Je ne sais pas en quelles circonstances Raymond Carmin en vint à enregistrer Marcel Douillard, ce petit mystère demeurera. Voici le disque en question.

Pochette avant du disque de Marcel Douillard

Pochette avant du disque de Marcel Douillard

Pochette arrière du disque de Marcel Douillard

Pochette arrière du disque de Marcel Douillard

Le disque VDS comprend 8 plages, dont une ne représente pas une fable, mais simplement une petite danse jouée à l'accordéon diatonique. Je vous la donne aussi en écoute :

Ecoute - 1:05

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(463 Ko)
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(528 Ko)
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(258 Ko)
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(580 Ko)

Par la suite, lorsque CD et DVD apparurent, Raymond Carmin se recycla dans l'invention, créant par exemple pièges à souris, rats et taupes, chevalet multifontion, pétanquette (mini pétanque en bois), etc. Il fit souvent le concours Lépine et obtint des prix.

Homme aux multiples et brillantes facettes, il était également un excellent accordéoniste.

Challans

Raymond Carmin - Journal L'Inter Forain - 1ère quinzaine d'avril 2008

Raymond Carmin est décédé en 2008. L'une de ses filles, Nadège Carmin, propose aux personnes intéressées d'acheter des disques de la société VDS ; vous pouvez la contacter à cette adresse : Nadège Carmin. Elle vous fera parvenir le catalogue des disques disponibles.

Le disque 78 tours du site Gallica

Marcel Douillard enregistra aussi deux de ses fables sur un disque 78 tours. L'enregistrement eut lieu le 4 septembre 1946 à Challans et est disponible sur le site Gallica, c'est-à-dire la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France (identifiant SDCR 001681). Il s'agit de Le Lièvre et la Tortue et de La Tortue et les Deux Canards. L'auteur les récitait sans doute de mémoire car vous pourrez observer de légères variantes entre le texte dit et le texte écrit.

Les fables issues de ces deux sources (disque VDS et site Gallica) sont téléchargeables dans ce chapitre aux formats Ogg Vorbis, WMA, MP3 et RealAudio (cf. chapitre Zidor, section L'auteur, paragraphe Aspects techniques : les formats des fichiers audio pour plus d'informations sur ces types de fichier).

Les dix fables de Feu de Brande

Titre

Gallica

VDS

1

La Cigale et la Fourmi

 ×

2

Le Corbeau et le Renard

 ×

3

Le Lièvre et la Tortue

××

4

Le Lion malade et les Renards

  

5

Le Chat, la Belette et le Petit Lapin

  

6

La Grenouille et le Bœuf

 ×

7

La Tortue et les Deux Canards

××

8

L'Ane vêtu d'une Peau de Lion

  

9

Les Animaux malades de la Peste

 ×

10

Le Loup et l'Agneau

 ×

Notes

Esope : fabuliste grec (VIIe-VIe siècle avant J.-.C) auteur d'un recueil de Fables, réunies au IVe siècle avant J.-C.

La brande est la végétation qui croît dans les sous-bois des forêts (ajoncs, bruyères, fougères, genêts).

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