| u mois d'Avrit, un béa matin, |
Un' Belett', qu'était ja rouée,
Se baugit dans l' trou d'un Lapin,
Sorti dès le soleil levé.
Al avait odjut l' temps d'am'ner ses garnicelles,
Pendant qu' Jeannot Lapin, li, courait la fumelle.
L'avait tot fait ses hard's, le rev'nait à chat p'tit,
Pensant qu'o valait mieux aller de rabinée,
Pour rester se r'poser au niqu' à la resciée,
D'autant que le béa temps l' mettait en appétit.
Quand d' manger le fut saoul,
Moué de galvauder,
Le tornit à son trou.
Ah ! mais le fit un nez,
Quand l'avisit bouter la tête à tchia galande.
Et le dicit : « Qu'est-o qu'o y a chez mo, Jésus ?
Depuis quand a-t-on droit, tchié y vous demande,
D' prend' le logis daus autres ? Y veux bé d'êtr' pendu
Si vous pouvez m'o dire... O faut, belle Belette,
Vous en aller chez vous, laissez ma place nette,
Sans tchié y va hucher tos les rats dau pays. »
Tchia belle mijaurée, à la goule pointuse,
Piquant' comme une puse,
Aussitôt répounit :
Que tchiau qu' est le premier à occuper la terre,
L'avait à li - qu' t'chiétait ja l' coup d' se fair' la guerre
Pour un falli logea où faut d'être abounit.
« Tchi s'rait-o, dicit-ell', mêm une métoirie,
O y a sûr pouet de loi qui, à ma connaissance,
Donne à Jacquet ou Guste, tchié que son père avait,
Au lieu qu'o sais-j' à mo plutôt qu'o reviendrait. »
- Jean Lapin, à son tour, dicit qu'à sa croyance
O y avait pas d'erreur ; tchia d'meure était à li,
Vu que les lois depuis bé plus longtemps qu'on pense
Disant : que l' bien d'un père revient tot dret au fils.
« As-tu jamais vu tchié ! Le diable de l'engeance !
Tchi s'rait un béa chantier d'êtr' le premier pour prendre. »
« Y gueulrians deux jours, qu'à dit, sans nous entendre.
Au lieu d'être de même, à jeter les hauts cris,
Y allons nous rapporter à Raminagrobis. »
Connu à dix lieues à la ronde,
T 'chiétait un Chat, vivant r'tiré dau monde.
L'avait un air dévôt', et daus petit's manières
Que le semblait tot miel ; regardant d' gauch' à dret.
Un Chat ben embourré, qu' avait le ventr' replet.
Le causait comme un Saint. Comme li y en avait guère
Pour donner daus conseils, régler les désaccords.
Jean Lapin acceptit, pensant qu' l'aurait pouet tort,
Et tos deux, devant li, furant tot arrivés.
L' s'empressirant d' saluer tchia Majesté fourrée.
Grippeminaud dicit : « Venez plus pros de mo,
Pauvr's enfants, y entends haut, y sais sourd comm' un pot.
Tchi vaut rin de vieillsir. Si vous êtes pas pros,
Vous aurez béa hucher, y entendrais pouet un mot. »
L'approchirant bé sûr, l'aviant ja l'air méfiouts
Quand l' furant à portée, Grippeminaud, si doux,
Fit tomber sur entr'eux ses griffes aiguisées ;
Et les mangit. L'affaire était réglée.
Au lieu d'aller vous faire époutir par un grout,
Arrangez-vous donc entre mis entre vous.
|
|
Au mois d'Avril, un beau matin, |
Une Belette, qui n'était guère rusée,
Se fourra dans le terrier d'un Lapin,
Sorti dès le soleil levé.
Elle avait eu le temps d'apporter ses affaires,
Pendant que Jeannot Lapin, lui, courait la femelle.
Il avait fait toutes ses affaires, il revenait petit à petit,
Pensant qu'il valait mieux aller pendant la matinée,
Pour rester se reposer au nid pendant l'après-midi,
D'autant que le beau temps le mettait en appétit.
Quand de manger il fut rassasié,
Lassé de s'affairer,
Il retourna à son trou.
Ah ! mais il fit une drôle de tête
Quand il vit sortir la tête de cette dame.
Et il dit : « Qu'est-ce qu'il y a chez moi, Jésus ?
Depuis quand a-t-on le droit, ça je vous le demande,
De prendre le logis des autres ? Je veux bien être pendu
Si vous pouvez me le dire... Il faut, belle Belette,
Vous en aller chez vous, laissez ma place nette,
Sans celà je vais appeler tous les rats du pays. »
Cette belle mijaurée, à la goule pointue,
Piquante comme une puce,
Aussitôt répondit :
Que celui qui est le premier à occuper la terre,
Il l'avait à lui - que cela ne valait guère le coup de se faire la guerre
Pour un fichu taudis où il faut être accroupi.
« Cela serait, dit-elle, même une métairie,
Qu'il n'y a sûrement pas de loi qui, à ma connaissance,
Donne à Jacques ou Auguste, ce que son père avait,
Au lieu que cela soit à moi plutôt que cela reviendrait. »
- Jean Lapin, à son tour, dit que, selon lui,
Il n'y avait pas d'erreur ; cette demeure était à lui,
Vu que les lois depuis bien plus longtemps qu'on ne pense
Disent : que le bien d'un père revient tout droit au fils.
« As-tu jamais vu ça ! Le diable de l'engeance !
Cela serait un beau travail d'être le premier pour prendre. »
« Nous hurlerions pendant deux jours, dit-elle, sans nous mettre d'accord.
Au lieu d'être comme ça, à pousser les hauts cris,
Nous allons nous rapporter à Raminagrobis. »
Connu à dix lieues à la ronde,
C'était un Chat, vivant retiré du monde.
Il avait un air dévôt, et des petites manières
Qui le faisait sembler tout miel ; regardant de gauche à droite.
Un Chat bien fourré, qui avait le ventre rebondi.
Il parlait comme un Saint. Comme lui il n'y en avait guère
Pour donner des conseils, régler les désaccords.
Jean Lapin accepta, pensant qu'il n'aurait pas tort,
Et tous deux, devant lui, furent bientôt arrivés.
Ils s'empressèrent de saluer cette Majesté fourrée.
Grippeminaud dit : « Venez plus près de moi,
Pauvres enfants, j'entends mal, je suis sourd comme un pot.
Cela ne vaut rien de vieillir. Si vous n'êtes pas près,
Vous aurez beau crier, je n'entendrai pas un mot. »
Ils approchèrent bien sûr, ils n'avaient pas l'air méfiant
Quand ils furent à sa portée, Grippeminaud, si doux,
Fit tomber sur eux ses griffes aiguisées ;
Et les mangea. L'affaire était réglée.
Au lieu d'aller vous faire écraser par un gros,
Arrangez-vous donc entre vous.
|
|