La Cigale et la Fourmi

La Cigale et la Fourmi - Illustration de Marcel Douillard

La Cigale et la Fourmi - Illustration de Marcel Douillard

Version originale de Jean de La Fontaine, LIVRE PREMIER, FABLE I

La Cigale, ayant chanté
Tout l'Été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'Oût, foi d'animal,
Intérêt et principal.
La Fourmi n'est pas prêteuse ;
C'est là son moindre défaut.
« Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
- Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
- Vous chantiez ? j'en suis fort aise.
Eh bien ! dansez maintenant. »

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Version maraîchine et traduction

Parlange Français
M

anièr' d'une saucliett', qu'on appelle Cigale,

Avait durant tot le béa temps,
Chanté, baulé, tot son content.
Les gelées védirant, à l'odjut la fringale ;
O y avait plus de mouch's ni de vers, mizit,
Les boyaux li en f'siant trent' six.
A pensit tot d'un coup, qu'à côté de chez lé,
O y avait un' Froumi, qu'avait tot d'assaré.
A s'en allit la voir, la trouvit en ouvrage,
D'mandit qu'à li prêtisse un p'tit de commentage :
Ens'ment tchièqu's grains de blé, qu'à rendrait au béa temps.
La main mis' sur son cœur , dit-ell' : « Le tant pour cent
S'rat-ajouté au reste, y vous o dit tot dret ;
Mais baillez me tchièqu' chose pour viver pendant le fret »
La Froumi, qu' entendait, continuait à baloir.
Al était pouet r'connue pour d'êtr' trop agralante,
Et pour donner ses hardes, al était pouet baisante.
S'arrêtant, à dicit : « Y voudrais bé savoir
Ce que vous avez fait pendant tot tchia l'été ?
- C' qui est fait ! répounit-ell', ma pauvr femme y ai chanté.
Tchiest pouet en faisant tchié qui faisait d' mal au monde.
Y ai ji pouet égayé à deux lieues à la ronde ?

- Tchiest vous qui gueuliez d' même qu'y en étais essourdée ;
Bé dansez donc à c't' heure tchi vous chauff'ra les pieds. »

Une espèce de sauterelle, qu'on appelle Cigale,

Avait durant tout le beau temps,
Chanté, braillé, tout son content.
Les gelées vinrent, elle eut faim ;
Il n'y avait plus de mouches ni de vers, désormais,
Les boyaux lui en faisaient trente-six.
Elle pensa tout d'un coup, qu'à côté de chez elle,
Il y avait une Fourmi, qui avait tout en réserve.
Elle s'en alla la voir, la trouva au travail,
Demanda qu'elle lui prêtât un peu de nourriture :
Seulement quelques grains de blé, qu'elle rendrait au beau temps.
La main mise sur son cœur , dit-elle : « Un pourcentage
Sera ajouté au reste, je vous le dit tout net ;
Mais donnez-moi quelque chose pour vivre pendant le froid »
La Fourmi qui entendait, continuait à balayer.
Elle n'était pas connue pour être trop aimable,
Et pour donner ses affaires, elle n'était pas conciliante.
S'arrêtant, elle dit : « Je voudrais bien savoir
Ce que vous avez fait pendant tout cet été ?
- Ce que j'ai fait ! répondit-elle, ma pauvre femme j'ai chanté.
Ce n'est pas en faisant ça que je faisais du mal aux gens.
N'ai-je point égayé à deux lieues à la ronde ?

- C'est vous qui hurliez comme ça, que j'en étais assourdie ;
Eh bien dansez donc maintenant, cela vous réchauffera les pieds. »

Notes

Oût : août.

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