Une langue est un pays complet, une civilisation, un regard sur le monde.
Toute langue qui meurt est une partie de la lumière du monde qui s'éteint.
Erik ORSENNA
Si ce site poursuit principalement le but de présenter des œuvres en patois bas-poitevin à des lecteurs patoisants ou non, il permet en outre d'offrir un nouveau mode de diffusion à celles-ci et également de participer un peu à la sauvegarde d'une langue régionale en sérieux danger d'extinction (Dans un article de Ouest-France du 27 octobre 2001, Michel Gautier, un spécialiste du poitevin-saintongeais, estime qu'il subsiste encore 500 000 personnes capables de comprendre et de s'exprimer dans ce dialecte). Pourquoi doit-on sauvegarder ces langues minoritaires très menacées (on estime actuellement que vingt-cinq langues s'éteignent chaque année dans le monde) ? Parce que la mort d'une langue appauvrit le patrimoine culturel mondial, au même titre que la disparition d'une espèce vivante amoindrit le patrimoine faunique ou floristique mondial. Car chaque langue contribue à ce patrimoine, chaque langue représente une des très diverses manifestations d'un phénomène humain universel et captivant aux aspects multiples : le langage.
Il existe de 3000 à 5000 langues dans le monde selon que l'on considère ou non certaines variantes dialectales comme des langues à part entière. La moitié environ est menacée de disparition. Comment sont-elles apparues ? Ont-elles toutes dérivé d'une langue originelle unique ? Sont-elles nées spontanément dans différents endroits du globe ? Le mystère demeurera sans doute. En revanche, il est possible de les classer entre elles. C'est le but de la linguistique comparative. Et, tout d'abord, qu'est-ce qu'une langue ? Comment la différencier d'un dialecte, d'un patois ? Voici quelques définitions pour y voir clair :
Langue |
Une langue est un système structuré de signes vocaux ou transcrits graphiquement utilisé par les individus d'une communauté linguistique pour communiquer entre eux. C'est vrai mais cette définition peut parfaitement convenir également à un dialecte ou à un patois. On aperçoit de la sorte la difficulté de définir la notion de langue par rapport à celle de dialecte. Une langue peut être, en effet, un dialecte qui a réussi. C'est le cas du français, érigé au statut de langue, alors que le francien dont il est le descendant n'était qu'un des dialectes du royaume de France.
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Dialecte |
Un dialecte est la forme particulière qu'une langue a prise dans une région, une province, etc., et qui recouvre une aire plus restreinte que la langue standard (L'acception souvent péjorative de ce mot tend à masquer le fait que la langue standard n'est, à l'origine, qu'un dialecte comme les autres qui a été promu au rang de langue nationale). Les dialectes sont souvent pourvus d'un système d'écriture comparables à ceux des langues nationales. |
Patois |
Le patois désigne la langue dialectale parlée dans une aire très réduite, plus petite qu'une province ou une région. Le patois est souvent purement oral et rural et ne se distingue du dialecte auquel il appartient que par certains éléments phonétiques ou lexicaux. |
Idiome |
Le mot idiome est un terme générique et neutre désignant le parler d'une région ou d'un pays. On a généralement recours à ce terme afin d'éviter celui de dialecte (trop souvent péjoratif dans la langue courante) ou celui de langue (qui pourrait être pris au sens de langue nationale). |
Parler |
Le mot parler est aussi un terme générique désignant un langage particulier propre à un groupe, à une région, à l'intérieur d'une langue. Il peut donc s'agir d'un patois ou d'un dialecte. |
A la lumière de ces définitions, il apparaît que le français est incontestablement une langue du fait de l'unité linguistique de la France, de son statut de langue nationale officielle, du rôle de langue véhiculaire qu'il remplit entre des états étrangers et du nombre important de locuteurs qui le pratiquent dans le monde.
Cependant, l'islandais, langue issue du norvégien ancien, est bien considéré comme une langue à part entière, et non comme un dialecte norvégien, bien que les Islandais ne dépassent même pas le demi-million d'habitants et que l'islandais ne soit pratiqué qu'en Islande. C'est l'indépendance politique qui lui confère le statut de langue. La situation est un peu similaire pour le portugais par rapport à l'espagnol : les langues sont très proches, mais considérées comme distinctes.
Le breton est une langue minoritaire de la France, mais ne peut en aucun cas être considéré comme un dialecte du français : leur origine est très différente. Bénéficiant de plus d'un héritage culturel très important, le breton est aussi une langue à part entière.
Le poitevin-saintongeais, en revanche, entre tout à fait dans le cadre de la définition d'un dialecte par rapport au français : proximité linguistique, aire géographique régionale, famille composée de nombreux patois très ressemblants. Néanmoins, le terme de dialecte ne doit jamais être perçu péjorativement : le dialecte poitevin-saintongeais, pas plus qu'un autre dialecte, n'est pas un sous-produit déformé, un parent pauvre du français. De la même façon que l'homme ne descend pas du singe, le poitevin-saintongeais ne descend pas du français. S'ils se ressemblent, c'est parce que leur ancêtre est commun. Ils sont cousins, et non père et fils. C'est le hasard de l'histoire qui a fait du francien le dialecte royal, devenant ensuite la langue nationale : le français. Si le hasard l'avait voulu, la langue nationale de la France pourrait aujourd'hui être le poitevin, ou le breton, ou tout autre langue actuellement minoritaire.
Le centralisme jacobin de la France a consciencieusement massacré, à partir de la Révolution, les langues minoritaires de son territoire au profit du français. A cette époque, il n'était pratiqué que par environ deux cinquièmes de la population, soit onze millions d'habitants sur les vingt-six millions d'alors, selon le rapport Grégoire présenté à la Convention le 30 juillet 1793. Si l'unification linguistique de la France était nécessaire, il est vraiment dommageable que celle-ci se soit instaurée sur la base d'un monolinguisme exclusif, faisant péricliter bon nombre de trésors linguistiques régionaux. Pour autant, il n'est pas question maintenant d'opposer le français en rival impérialiste face aux langues régionales françaises : le français est une très jolie langue qui, après être devenue la langue internationale la plus importante au siècle dernier, aura besoin, à l'avenir, d'être défendue à son tour contre des impérialismes internationaux, notamment la dictature annoncée de l'anglo-américain.
Voici les grandes familles de langues vivantes communément admises, sachant que cette classification peut varier selon les écoles linguistiques qui cherchent à regrouper les langues tantôt par leur ressemblance grammaticale, tantôt par leur filiation génétique (à partir d'une hypothétique d'une langue-mère commune), le tout pondéré de critères de proximité géographique :
Famille chamito-sémitique (ou sémito-chamitique) |
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Famille altaïque (turco-mongole) |
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Famille ouralienne (finno-ougrien) |
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Famille du japonais et du coréen |
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Famille sino-tibétaine (ou sino-thaï) |
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Famille austrique de l'Asie et de l'Océanie |
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Famille négro-africaine |
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Famille caucasique |
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Famille paléosibérienne |
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Famille dravidienne |
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Famille australienne et papoue |
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Famille américaine (ou amérindienne) |
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Famille indo-européenne (de l'Oural aux Açores et de l'Islande à l'Inde) |
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D'autres modèles de classification regroupent les langues ouraliennes et altaïques en une seule famille ouralo-altaïque ; ou bien décomposent la famille austrique de l'Asie et de l'Océanie en deux familles distinctes : la famille malayo-polynésienne et la famille des langues d'Océanie, etc... Chaque modèle suit sa logique de classification.
Il est à noter cependant que certaines langues comme le haoussa en Afrique ou, bien plus proche de nous, le basque en Europe demeurent tout à fait inclassables en familles et conservent de ce fait une jolie part de mystère.
Langues slaves |
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Langues baltes |
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Langues germaniques |
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Langues italo-celtiques |
langues celtiques |
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langues romanes |
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Tous ces dialectes se déclinent en d'innombrables patois : ce site donne des exemples de patois du dialecte bas-poitevin (L'Aiguillon sur Mer, Saint Juire Champgillon, Challans) |
Où se situe le poitevin-saintongeais par rapport aux autres langues d'oïl et d'oc de France ? C'est assurément une langue d'oïl, ce qui la rapproche du français qui est la plus germanique des langues romanes, et donc la plus éloignée du latin. En revanche, elle se trouve géographiquement et linguistiquement à la lisière du domaine occitan, resté proche du latin, dont elle présente certains traits, comme la finale sonore de la conjugaison des verbes à la troisième personne du pluriel. Pour plus de détails grammaticaux, reportez-vous au site très complet pivetea.free.fr.
Quand on sait la difficulté que représente la maîtrise d'une langue, qu'il s'agisse d'une langue nationale comme le chinois parlée par des centaines de millions de personnes, ou d'une langue minoritaire comme le navajo qui ne concerne plus que quelques milliers de personnes, on ne peut qu'être pris de vertige devant cette fascinante galaxie de mots et de subtilités grammaticales et sémantiques. Et nos patois bas-poitevins sont là, poussières parmi les étoiles.
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