Le Corbeau et le Renard

Le Corbeau et le Renard - Illustration de Marcel Douillard

Le Corbeau et le Renard - Illustration de Marcel Douillard

Version originale de Jean de La Fontaine, LIVRE PREMIER, FABLE II

Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l'odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
Et bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois.
A ces mots, le Corbeau ne se sent pas de joie ;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s'en saisit, et dit : Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l'écoute.
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.
Le Corbeau honteux et confus
Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.

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Version maraîchine et traduction

Parlange Français
T

ot en haut d'un oméa, un' grolle était juchée

Avec un froumag' dans la goule.
Et v'là qu'un vieux Renard, qu'avait un sapré nez,
Védit, pensant : faut qui la roule.
« Salut bonjour, lui dicit-y.
Eh ! mais y vous trouve ja mal !
Dir' qu'y o avais jamais compris
Comme anet'. » A battit daus ales,
Et pis l'en racontit... Ma foi
L'en dicit de bé daus manières :
Qu' si al avait un' jolie voix,
De teurtot's à s'rait la promère.
Y vous dis qu'à s' gormait tchia Grolle ;
Levait les païes,
Ouvrit daus eilles,
Grands comm' daus couverts de castrolles.
Mais al ouvrit la goule aussi,
Et le froumag' fut vite à bas.
T'chiest le Renard qui le mangit,
En li disant, tchiau falli gas :
« Ma vieill' Groll', faut bé te rapp'ler
Que les flatteurs sont bé plus fins
Que tchiels qui v'lant les écouter ;
Le disant pas leurs cont's pour rin. »

La Grolle, qu'était tot' confondue,
Dicit : « Mon béa fi d' vess', sûr que te m' bais'ras pu ! »

Tout en haut d'un ormeau, un Corbeau était perché

Avec un fromage dans la bouche.
Et voilà qu'un vieux Renard, qui avait un fameux nez,
Vint, pensant : il faut que je le dupe.
« Salut bonjour, lui dit-il.
Eh ! mais je ne vous trouve pas mal !
Dire que je ne l'avais jamais compris
Comme aujourd'hui. » Il battit des ailes,
Et puis il en raconta... Ma foi
Il en dit de bien des manières :
Que s'il avait une jolie voix,
De tous il serait le premier.
Je vous dis qu'il se gonflait d'orgueil ce Corbeau ;
Levait les pieds,
Ouvrit des yeux
Grands comme des couvercles de casserolles.
Mais il ouvrit la bouche aussi,
Et le fromage fut vite par terre.
C'est le Renard qui le mangea,
En lui disant, ce fichu gars :
« Mon vieux Corbeau, il faut bien te rappeler
Que les flatteurs sont bien plus intelligents
Que ceux qui veulent les écouter ;
Ils ne disent pas leurs histoires pour rien. »

Le Corbeau, qui était tout confus,
Dit : « Mon beau filou, c'est sûr que tu ne me berneras plus ! »

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